Les utopies

Publié le mercredi 28 novembre 2001 par admin_sat

L’histoire donna raison à Edmond Privat en 1918, trois ans seulement après qu’il ait été convoqué au ministère des Affaires étrangères, où il lui fut dit que la reconstruction de la Pologne était une utopie.
Dans "Aventuroj de Pioniro" (p. 123 et 124), Privat livra ainsi son avis sur les "utopies", sur la myopie intellectuelle de certains politiques et décisionnaires, de ceux qui, d’une manière générale, font l’opinion :

« (...) Si je regarde maintenant un demi-siècle d’action publique et d’écrits, je constate ce qui suit : durant toute la vie, il fut nécessaire et il est encore nécessaire de lutter contre les préjugés. Des choses que l’on jugeait utopiques sont maintenant devenues des réalités.
"Jamais des hommes de divers pays ne se comprendront entre eux avec l’espéranto à cause des différences de prononciation" disaient mes professeurs au lycée. Nos congrès ont prouvé le contraire.
"Jamais les hommes ne voleront dans l’air car c’est une utopie" disaient-ils. Eh bien, je voyage aux congrès par voie aérienne.
"Jamais les femmes ne voteront. C’est une utopie". Elles votent maintenant presque partout dans le monde.
"Jamais les Polonais ne retrouveront leur propre État. C’est une utopie" écrivaient les journaux quand je plaidais et écrivais pour cette résurrection. En 1918, la Pologne devint un État.
"Jamais les Anglais ne quitteront l’Inde. C’est une utopie" écrivaient les mêmes journaux lorsque je tentais d’expliquer le but de Gandhi. Maintenant, ils rapportent tous les jours sur l’Inde et Nehru.
"Jamais vous ne réussirez à ce que les hommes s’abonnent à l’écoute de la radio. Ils ont déjà des gramophones" disaient les banquiers que je visitais pour fonder Radio-Genève. Maintenant, ils regrettent qu’une société coopérative, pas eux, nous ait procuré l’argent, et le budget atteint des millions, heureusement sans profit privé.(...) »